L’économie comportementale en question

Jean-Michel Servet

Éditions Charles Léopold Mayer Paris – Mars 2018

Un nouveau courant de l’économie prospère depuis le début des années 2000. À base d’expérimentations, il se propose de créer des modèles pour transformer la conduite des individus par la connaissance des biais qui régissent leurs comportements.
Les tenants de ce « nouveau comportementalisme » occupent une position de plus en plus dominante parmi les économistes, auprès des autorités publiques, de grandes fondations, d’entre-prises et même dans les médias. L’apparente simplicité de leur méthode, qui prétend notamment changer le sort des populations les plus démunies, redore le blason terni de l’économie, ainsi présentée comme compréhensible, accessible et utile.
Jean-Michel Servet déconstruit la rhétorique comme la pratique de ce mouvement qui représente, selon lui, non seulement une régression pour les sciences sociales, mais aussi une manière de discipliner les populations pour les amener à agir selon les dogmes d’une économie supposée efficace.
Parce qu’il semble ignorer les origines culturelles et sociales des actions humaines, le nouveau comportementalisme perpétue des hypothèses fondamentales de l’orthodoxie économique, revue et corrigée par le néolibéralisme.

L’auteur

Jean-Michel Servet est professeur honoraire de l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève. Il est chercheur associé au Centre d’études en
sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques (université Paris Diderot), et à Triangle (École normale supérieure de Lyon et université Lyon 2).

Table des matières

I. Un succès suspect
>>Quand les individus deviennent cobayes
>>Quand l’économiste se fait plombier
>>Un courant aussi innovant que séducteur
>>Labellisation et nobélisation du nouveau comportementalisme
>>L’art du storytelling et le miracle du nudge
>>Une suprématie contestée
>>Une technique coûteuse
>>Une applicabilité et une réplicabilité des tests limitées
>>Des limites avérées, un unanimisme ancré

II. De la preuve par expérimentation, et de ses limites : un exemple ordinaire en Inde
>>La monnaie et la finance, domaines privilégiés des expérimentations
>>Un test emblématique de l’approche néocomportementaliste
>>Un nudge pour moins de cash au Chhattisgarh
>>Des hypothèses déconnectées de la réalité
>>L’or et l’épargne en nature oubliés
>>De la préférence pour la liquidité et des raisons d’épargner
>>Les résultats de l’expérimentation et leurs limites
>>Un détail omis : le libre arbitre des populations
>>Disciplination et dématérialisation : le nouvel horizon ?
>>Éliminer le cash

III. Chassez l’Econ par la porte, l’homo oeconomicus revient par la fenêtre
>>De l’éternel combat entre les Anciens et les Modernes
>>Une ouverture d’esprit, mais limitée
>>Les autres disciplines accessoirisées
>>Comment l’économie comportementaliste fait son marché en psychologie
>>Le primat de l’individu sur la société
>>De l’inconvénient de raisonner « en moyenne » : l’oubli des effets systémiques
>>Un déterminisme économique devenu implicite
>>Néolibéralisme et nouveau rapport à l’État

Conclusion – Retrouver la société
>>Les meilleurs alliés du néolibéralisme
>>Un courant contraire au progrès de la pensée
>>Des champs d’application restreints
>>Rejeter le dogmatisme comportementaliste pour repenser le collectif