Marie-Alice Chardeaux
LGDJ (27 juin 2006)
Les choses communes (res communes) désignent, traditionnellement, les rares entités naturelles que l’homme n’a pas encore conquises, telles que l’air, l’eau courante, la mer et la lumière. Héritée du droit romain, la catégorie a subrepticement traversé les siècles sans marquer les esprits. D’ailleurs, la seule disposition du Code civil qui lui fut consacrée en 1804 – l’article 714 – est pour le moins négligée car tenue pour surannée.
A première vue, ce désintérêt n’est guère étonnant. En disposant que les res communes sont » des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous « , l’article 714 du Code Napoléon paraît se borner à énoncer une règle de bon sens, une évidence, et non une règle juridique. Il reste que le faible intérêt que l’on attache habituellement à la notion de chose commune n’a peut-être pas vocation à durer.
Ainsi, tant l’étude de l’inappropriabilité que celle de l’usage commun témoignent de sa modernité. C’est, tout d’abord, l’analyse de l’inappropriabilité, et plus particulièrement de son fondement, qui dévoile le renouveau de la catégorie des choses communes. Pourquoi les choses communes sont-elles inappropriables ? Leur inappropriabilité résulte-t-elle de leur nature juridique ou de leur nature physique, telle leur abondance ou leur immensité ? En rupture avec les analyses traditionnelles, l’auteur considère que l’inappropriabilité des choses communes, loin de découler de leur nature physique, est toujours, d’une manière ou d’une autre, organisée par le droit. L’usage commun dévoile, quant à lui, la portée notamment prospective de la chose commune.
Il met ainsi en lumière les virtualités de la chose commune à l’aune de la protection de l’environnement à travers la lente réception en droit positif d’un devoir de conservation des choses communes. Mais c’est sans doute le rayonnement de l’usage commun au-delà de la sphère des choses communes qui manifeste avec le plus d’éclat le renouveau des res communes. De manière inattendue, la chose commune, promue au rang de modèle, fournit une source d’inspiration pour élaborer le régime de certaines choses appropriées. Ces choses qui empruntent à la chose commune l’un de ses éléments caractéristiques – l’usage commun – tout en ayant un propriétaire constituent en quelque sorte des » quasi-choses communes « .