Silke Helfrich, Rainer Kuhlen, Wolfgang Sachs, Christian Siefkes
the Heinrich Böll Foundation, décembre 2009
Ce que l’on appelait traditionnellement res communes – les choses qui nous appartiennent en commun – a été sinon oublié, du moins supplanté par les res privatae organisées par le marché, ainsi que par les res publicae mises à disposition par l’État. Elles sont dès lors traitées comme des res nullius, c’est-à-dire des «choses de personne».
L’air et l’eau sont de parfaits exemples de biens communs qui, malgré leur importance, partagent bien souvent le triste sort des «choses de personne», de ces choses dont personne ne s’occupe. Les conséquences catastrophiques pour nous tous d’un tel état de fait se manifestent aujourd’hui de toute part.
Les «biens communs» – res communes, ou encore «commons» en anglais – ne sont
pas des biens «sans maître». Ils ne peuvent pas et ne doivent pas être utilisés à n’importe quelle fin, et encore moins détruits. Chacun de nous peut légitimement faire état de droits sur eux. Les biens communs sont les choses qui nous nourrissent, qui nous permettent de communiquer ainsi que de nous déplacer, qui nous inspirent et qui nous attachent à certains lieux – et dont, de manière tout aussi significative, nous avons besoin pour déverser nos gaz d’échappement et nos eaux usées.
La conception classique de la propriété, comprise en premier lieu comme droit de l’individu, acquiert une nouvelle dimension si l’on prend conscience de l’existence d’un droit collectif sur les biens communs.
- Quelles sont les conséquences d’une redéfinition des terres comme biens communs?
- Qu’advient-il de l’espace public lorsqu’il n’est plus possible de le privatiser à volonté par la publicité, les décibels, les voitures ou les parkings?
- À quoi ressemblerait une société où l’utilisation libre des biens relatifs à la connaissance et la culture serait devenue la règle, et leur utilisation commerciale l’exception?
- Quelles sont les règles et les institutions qui encouragent un rapport riche de sens aux biens communs?
Ces questions ne sont débattues ni sur le plan théorique ni sur le plan de leurs conséquences politiques, sociales ou économiques.
Nous avons voulu dans ce rapport étudier le potentiel des biens communs lorsqu’ils sont utilisés de manière appropriée et durable. Nous y examinons les facteurs qui menacent leur existence. Nous y montrons quelles sont les règles qui ont fait leurs preuves dans certaines situations, et quelles sont celles qui doivent être entièrement repensées. Dans les pages qui suivent, nous partageons avec vous nos réflexions et nos expériences.
Les biens communs ne sont pas tous similaires, pas plus que les habillages institutionnels nécessaires pour transformer des ressources existantes en biens communs sécurisés. La remise du prix Nobel d’économie 2009 à la théoricienne des biens communs Elinor Ostrom a attiré l’attention du monde entier sur les questions discutées ici. L’approche théorique du juriste Yochai Benkler, avec le motif d’une «production par les pairs basée sur les communs» (commons-based peer production) qu’il met en avant, est elle aussi stimulante.
Il faut renforcer les biens communs, au-delà et de manière complémentaire au
marché et à l’État. Chacun est appelé à assumer ses responsabilités en tant que copossesseur des «choses qui nous sont communes», afin d’en tirer davantage de liberté et de communauté. Les biens communs ont besoin d’hommes et de femmes, non seulement de marchés, d’aides gouvernementales ou de régulation étatique. La richesse qui se dispense à travers les biens communs doit être partagée de manière nouvelle et équitable dans toutes les sphères de notre vie.